La conférence de Michel Ottman, organisée par la commission innovation sociale d’Innovallée le 17 avril dernier, nous a invités à un voyage au sein des trois générations* en présence aujourd’hui dans le monde du travail, ainsi que de la quatrième qui arrivera sous peu. Voyage car il ne s’agit pas de juger ou de critiquer, mais bien de découvrir, avec curiosité et ouverture d’esprit, ce qui caractérise chacune de ses générations. Pour lui, toutes ces générations se suivent et ne se ressemblent pas, elles n’ont pas grandi dans le même pays, en tout cas pas dans le même contexte social, économique et politique. Bien sûr les grandes lignes tracées sont des caricatures issues de statistiques et chacun citera les exceptions, mais en l’écoutant on se reconnaît dans les grandes lignes, on reconnaît nos parents, nos enfants…
Les plus anciens, les baby boomer (1945-1963), donc 50% au moins est encore en âge de travailler, sont nés dans une période de reconstruction, de plein emploi. Pour eux les études étaient un luxe inutile, le travail un dû. Il y en avait pour tout le monde, y compris les femmes, et cette activité engendre une consommation évidente. Ils ont foi dans l’entreprise, dans la collectivité, dans l’Etat, entités qui ont besoin d’eux pour exister.
La génération suivante (1963-1978), que l’on appelle X par défaut, est une génération de transition. Elle est diplômée mais rencontre de grosses difficultés pour trouver un emploi, elle doit faire des compromis, partir, accepter des salaires inférieurs. Ce qu’elle a acquis, souvent au prix de gros efforts, elle le mérite. Elle grandit sans conflit sur son territoire mais dans une ambiance de Guerre Froide, de risque d’apocalypse nucléaire qui lui met la peur au ventre. Elle dépend de la collectivité pour se protéger… C’est aussi la génération qui voit apparaître les premières technologies informatiques, tentantes, mais inquiétantes par le fait qu’elles vont supprimer un certain nombre de métiers, de compétences. Peur encore qui se traduit dans toute la littérature, le cinéma de cette époque.
La génération Y (1978-1995) est celle du pourquoi (Why ? = Y). Dans son enfance, on l’a gâtée, consultée, impliquée. On lui a expliqué beaucoup de chose et elle a besoin de comprendre pour agir. Elle n’a pas connu de conflit majeur mais une peur au quotidien liée à l’insécurité, dans la rue d’abord, mais aussi au sein de la cellule familiale qui pour la plupart explose, jusque dans son intimité avec la révélation du SIDA. La collectivité ne peut pas la protéger, elle la rejette. Elle voit se développer les nouvelles technologies et apparaître internet. Elle est cosmopolite par excellence, non sectaire, ouverte sur le monde, grâce aux réseaux sociaux et à la facilité de voyager. Pour elle, le confort est un dû, le bien être une priorité. Génération de zappeurs dans le sens où tout peut être remise en question, elle fuit les engagements irréversibles. Elle refuse les hiérarchies liées à l’âge, l’ancienneté, pour elle seule la compétence compte.
Ces trois générations ont un rapport différent au travail. Alors que la première a travaillé, toujours plus, dévoué à son entreprise, pour s’enrichir et accéder à toujours plus de confort la dernière cherche un sens dans ce qu’elle fait, veut agir comme bon lui semble et demande une grande flexibilité. Les générations baby boomer et X compartimentaient leur vie professionnelle et personnelle alors que la génération Y laisse une grande perméabilité entre les deux. Le rapport à la consommation est aussi très révélateur. La génération Y qui veut tout, tout de suite, revend aussi vite qu’elle a acheté. Elle ne stocke pas mais gère des flux. Aucun stress dans l’acte d’achat, si l’article ne convient pas, il est évident de le revendre.
Quant à la quatrième qui émerge depuis 1995, nommée Z par défaut et de plus en plus C comme connectée, elle qui n’a connu que l’euro, les ordinateurs partout, les smartphones se confronte à d’autres peurs liées à l’écologie et au réchauffement climatique ce qui va façonner ses comportements. Que nous réserve-t-elle ?
Les « autochtones » des générations, qui ont témoigné, ont apporté un éclairage supplémentaire. Michel Ottman a su captiver son auditoire et le faire participer avec beaucoup de talent. On serait bien resté à l’écouter !
*Par génération il faut entendre un ensemble de personnes nées entre telle date et telle date.