Le cœur cousu

de carole Martinez

Certains livres se méritent. Leur lecture demande une certaine patience. Ils imposent un rythme, une progression pas à pas, tellement l’intensité du récit est forte. Ce roman, où le merveilleux prend souvent le pas sur la réalité, en fait parti.

Ce conte, entre magie et sorcellerie, entre vie et mort, entre lumière et ténèbres, entre Dieu et le Diable, entre richesse et pauvreté, est fait de contrastes… La mesquinerie et la jalousie y ont leur place, l’amour et la générosité aussi, la folie avant tout.

Incroyable destinée que celle de cette lignée de femmes qui se transmettent un coffre, des prières et des rituels… De leur talent, naît l’admiration, la convoitise, l’amour et malheureusement la haine et la violence.

Frasquita, couturière exceptionnelle, fille et plusieurs fois mère, résignée, jouée puis exilée, entraîne dans son sillage sa caravane d’enfants dans une fuite insensée et interminable. Chacun, avec son don quasi surnaturel, va vivre et subir cette destinée commune, au rythme du pas de la mère d’abord, de la folie du père, de la dévotion d’Anita, sœur ainée sacrifiée à cette fratrie hors norme.

Epopée entre l’Andalousie et le continent africain, ce roman ne vous laisse pas indemne : fatigué d’avoir autant marché, vécu si intensément le destin de ses personnages et comme envouté par cette magie sous-jacente dans un décor pourtant bien réel révélant la profondeur de la vie.

Mais tout cela ne serait rien sans le style magnifique de Carole Martinez, fluide et superbement poétique, révélant les couleurs, les odeurs, les ambiances, brodant tout ces mots à merveille en mêlant le rationnel et l’irrationnel.

Je ne sais si je conseillerai ce livre… Ce que je sais c’est qu’il a une force, une présence, un pouvoir…