Danse noire
27 novembre 2013 Laisser un commentaire
Dès les premières pages, j’ai été un peu paniqué par la danse dans laquelle nous entraîne Nancy Huston. Danse entre les langues, du haut au bas des pages quand on n’est pas trilingue, danse dans le temps, danse entre les personnages dont on ne voit pas le rapport au départ… Puis au fur et à mesure de ma lecture, je me suis laissée entraînée par le rythme de la Capoeira, cette danse brésilienne qui finalement semble l’initiatrice et l’aboutissement de ce livre.
Ces trois destinées que l’on suit au fil des chapitres, l’une après l’autre, chacune avec son rythme et son ambiance, sont finalement liées. Malgré la noirceur de chaque histoire, l’espoir et l’ambition restent dans ces vies non choisies. On s’attache peu à peu au personnage central, Milo Noirlac, scénariste québécois, à la vie chaotique, entre ombre et lumière, qu’il semble subir avec un certain détachement. Révélée par son ami et amant, réalisateur new-yorkais, ce scénario nous révèle la quête d’identité de chaque protagoniste. Le réalisateur ponctue de commentaires le récit rendant vivant et visuel ce film qu’il veut mettre en forme avant la fin de Milo. Ce faux dialogue, puisqu’on ne fait qu’imaginer les commentaires de Milo faible sur son lit d’hôpital, nous révèle le travail et les ajustements nécessaires à toute création. Il nous parle aussi d’Awinita, cette indienne Cri, venue chercher une vie meilleure à Montréal, que Milo ne connaît pas mais dont il détient un héritage immatériel. Et de Neil Kerrigan, cet irlandais exilé, nostalgique de son pays, de sa carrière rêvée d’écrivain enterrée avant l’heure, passionné de Yeats et de Joyce, qui veut à tout prix transmettre son histoire et choisira Milo pour cela. En dire plus serait révéler les ficelles de l’histoire !
Trois récits qui s’entremêlent pour finalement se rejoindre sur le rythme obsédant de la capoeira brésilienne, mi danse mi art martial afro-brésilien. Trois destins qui mettent en scène les questions des origines, de la transmission, de l’héritage culturel, de l’exil, de la solitude, de l’abandon. Cette danse brésilienne symbolise finalement un moyen d’expression compréhensible par tous, loin des barrières de la langue. Les corps parlent bien au-delà des mots. Cette « danse noire » nous entraîne, ce roman qui demande un effort de lecture au départ est riche et dense.
« ta, ta-da Da, ta, ta-da Da, ta, ta-da Da, ta, ta-da Da… »
Un rythme entêtant. Un roman pas facile mais qui mérite que l’on s’y arrête !